Cette page est en préparation : je voudrais... peut-être raconter ce qui m'a amenée à la photographie. Et à faire ces photos-là et pas d'autres. Je ne sais pas si c'est intéressant. Mais pourquoi pas, après tout : c'est toujours intéressant de voir comment s'est dessiné un chemin, comment un être humain a tracé sa vie. Donc mon histoire avec le visuel et avec la photo.

 

Du plus loin que je me souvienne, mon œil est attiré par le lumineux, le clair, le cristallin, le brillant, comme le phalène par la flamme de la bougie. Le nacré, l'irisé, le précieux me procurent un plaisir extasié, dénué de toute arrière-pensée de valeur marchande : la goutte d'eau dans le soleil ou le reflet sur un pare-brise font l'affaire.

J'ai fait le lien entre ce goût de pie et mon tout premier souvenir. C'était, comme je l'ai compris plus tard, lors d'une fête où m'avait emmenée mon père, un Noël organisé pour les enfants du personnel. J'avais un peu plus d'un an. Il me tenait dans ses bras et, depuis cette hauteur royale, je dévorais des yeux l'environnement chatoyant.

Je ne me souviens pas de mon père lui-même, seulement de la position que j'occupais dans l'espace et de ce monde de friandises visuelles sur lequel j'ouvrais les yeux : des ors, des rouges, des lumières, des guirlandes, tout un paysage scintillant et multicolore. Je me souviens aussi d'un petit jouet reçu en cadeau : un hochet en plastique nacré rose et bleu, avec quelque chose dedans qui cliquetait quand on le secouait.

Je vois dans cette image, qui me colle encore à la rétine, la matrice de nombre de mes fringales visuelles, qui se sont, bien sûr, policées et éduquées par la suite, mais sans que jamais se perde totalement la trace initiale.

Plus tard, un second souvenir me marque de façon bien contrastante. Il se situe dans les années tristes qui ont suivi la mort de ma mère. J'avais une douzaine d'années. Nous avions quitté ce que je considérais comme un paradis, pour nous établir dans une barre de HLM nouvellement construite, dans une autre ville. Les ascenseurs en panne, la cage d'escalier sale, le séchoir glacial au dernier étage, avaient remplacé le petit bois où l'on faisait des cabanes, le talus avec les violettes, la rosée sur les feuilles, les soirs d'été piquetés de vers luisants. À l'âge d'or succédait la déréliction, l'hiver remplaçait l'été.

Les abords de l'immeuble n'étaient qu'un vaste chantier : grandes flaques fangeuses, parpaings et ferrailles enchevêtrés, planches traînant dans la boue. C'est l'image de ce chantier, univers du froid, du chaotique, du laid, qui a constitué le pendant absolu de mon premier souvenir émerveillé.

Est-ce de là que m'est venue cette envie de changer mes crapauds en princesses, mon plomb en or ? Je vais y réfléchir et tenter de continuer mon exploration !